"On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on va." T.S. Eliot
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Le plan se met en place
Après un mois de réflexions et de doutes. Allant jusqu'à me demander si je n'allais pas revendre mon bateau et revenir en Suisse. Pourquoi j'étais parti et si ma vie n'était pas plus simple avant, j'y vois désormais un peu plus clair.Déjà que je vous ai fait patienter un mois pour sortir un nouvel article, je ne vais pas vous faire poireauter jusqu'à la fin de l'article, la réponse qui s'est imposée à moi est:

Déjà Valence c'est vachement bien.
J'y passé quelque temps lors de deux voyages et je m'y suis toujours plu.
Barcelone c'est trop grand et trop peuplé.
Valence c'est moins stressant, moins de compétition pour trouver un logement ou un travail et moins de touristes donc des prix plus abordables pour se loger et se restaurer.
Valence est une ville dynamique, avec une grande offre culturelle, mais aussi une ville en pleine croissance donc des boulots intéressants pour ceux qui s'y intéressent.
De grands espaces verts, la capitale de la Paella, la mer, non, cela semble vraiment un bon plan.
Je pourrais postuler à l'office du tourisme avec un speech pareil.
Mais comment en suis-je arrivé là? vous pourriez me demander.
Très bonne question! je vous répondrais.
Parti sur frêle esquif mardi dernier de bon matin, je me rendis au large avec pour ligne de mire les îles Baléares.
Ni plus ni moins que 120 milles nautiques soit 222 kilomètres.
Comme ça le gars, il fonce au large, tranquilou tout seul.
Comment vous narrer ce départ légendaire. Un vent soutenu à 15 nœuds avec des rafales à 20. Cap au 180° soit plein sud. Toutes voiles dehors avec le rivage qui s'éloigne rapidement. Le loch m'indique qu'au bout de quatres heures à ce rythme, je me suis déjà plus éloigné de la côte que jamais au paravent.
La perfection.
Le rythme soutenu c'est bien, mais des fois on aimerait que ce soit juste un poil mois soutenu pendant un moment, histoire de relâcher la concentration et faire quelques pas dans la pelouse.
Deux heures plus tard le vent tournera et se calmera un peu.
Le cap change et je me retrouve tout au sud du port de commerce de Barcelone, loin loin de lui mais toujours visible. Surtout de nuit car il est bien éclairé.
Là le vent s'arrête complètement.
Je baisse les voiles et comme je suis loin de tout traffic maritime, c'est le moment de manger un peu et essayer de faire une sieste.
Sauf que je suis à la dérive, c'est à dire que seul les vagues et le courant me portent et rapidement le bateau se fait secouer par les vagues sans que ne puisse rien y faire.
J'essaie tout de même de me reposer un peu. Ne serait-ce que fermer les yeux et rester couché.
La nuit est belle et le ciel est très étoilé maintenant que je suis loin de toute source lumineuse.
Au milieu de la nuit le vent semble s'être levé un peu.
Je remonte les voiles et refile de nouveau plein sud avec un vent idéal qui me permet d'avancer rapidement et à nouveau droit sur les Baléares.
Difficile de m'en rendre compte en pleine nuit mais à ce moment là je ne vois plus la côte. Peu de navires à l'entour.
C'est une nuit sans lune donc impossible de savoir si il y a un obstacle devant soi mais à cette distance de la côte, il y a peu de chance de se retrouver dans un fillet de pêcheur ou encore moins un rocher car le fond de la mer à cet endroit est de plus de mille mètres.
Au lever du jour le vent est de nouveau totalement retombé.
A nouveau me voici à la dérive et il m'est impossible de me reposer ou essayer de me faire à manger quelque chose de chaud.
L'estomac presque vide et extrêmement fatigué, je me sens mal.
Couché dans le cockpit et les yeux au ciel, je réfléchis à ce que je vais faire de mon futur et je ne saurais pas expliquer pourquoi mais justement Valence s'impose à moi. Et dans l'insomnie et l'état de fatigue avancée dans lequel je me trouve, l'idée de rejoindre cette ville me semble de plus en plus évidente pour tous les arguments que j'ai déjà fournis plus haut.
Je suis à bout de force mais d'une manière je me sens soulagé d'avoir répondu à cette question qui m'obsède depuis des mois, c'est quoi la suite du plan.
A ce moment là je commence à réaliser où je me trouve en ce moment précis.
Tout autour de moi il n'y a que de la mer. Pas une seule terre ni aucun navire. Je fais le tour sur moi-même plusieurs fois pour profiter de cet instant où je suis totalement seul au monde et sans possibilité de communiquer avec qui que ce soit ni de quelque manière que ce soit.
C'est un moment de paix et un moment un peu angoissant aussi.
Si il m'arrive quoi que ce soit personne n'en saura jamais rien.
Que faire maintenant? J'avais regardé la météo avant de partir, je savais qu'en ce jour il y aurait peu de vent sur la côte mais j'espérais qu'en pleine mer, une brise se lèverait. J'ai franchis le tiers de la distance qui me sépare de l'île de Majorque. Ai-je assez de carburant pour la rejoindre?
Je me sens toujours mal. Je ne me vois pas m'enfoncer plus loin dans cet état.
Ce qui me manque pour pouvoir continuer c'est un compagnon de route qui pourrait faire la cuisine pendant que je navigue ou qui tienne la barre pendant que je me repose.
C'est aussi une réflexion que j'ai eu. J'ai toujours su que je ne resterais que le temps nécessaire à Mataró et ne me suis pas vraiment investi dans une vie sociale. Juste quelques collègues de travail ou voisin de ponton mais pas de relation profonde d'amitié.
C'est ce qui je voudrais faire maintenant. M'investir dans une nouvelle aventure qui ne serait pas quelque chose de complètement solitaire mais au contraire qui me permettrait de créer des liens plus profond.
Je rallume le moteur et met le cap plein nord. Pleiades cesse de tanguer dans tous les sens et mon état de santé s'améliore rapidement.
Mon bateau n'est pas rapide au moteur et en repassant à allure réduite pratiquement sur le même trajet que j'ai parcouru, je réalise que j'ai quand même parcouru une sacrée distance. Difficile de se rendre compte de sa vitesse en pleine nuit car on ne voit pas son sillage mais là c'est évident. J'ai vraiment fait une moyenne de dingue dans le noir.
Il me faudra au moins 5 heure avant de commencer à deviner les côtes espagnoles.
A son approche un groupe de dauphins passera à courte distance de mon bateau, puis les premiers oiseaux de mer apparaîtront en train de pêcher.
Après une journée complète au moteur je rejoins le port de Mataró au coucher de soleil.
Ce n'est jamais agréable ni très valorisant que d'abandonner une aventure en plein milieu. J'en ai déjà fait l'expérience en montagne. Mais il faot respecter ces deux éléments qui sont plus forts que nous et aussi savoir écouter son corps.
Ce fut tout de même une expérience inoubliable et c'est ce qui compte. De plus j'ai mis un peu mes idées au clair et ça, ça n'a pas de prix.
Je me suis donc mis à la recherche d'un port dans la communauté valencienne et les choses semblent assez bien se présenter.
Je vous tiendrai au courant de la suite des événements.